LES
POIREAUX RAVAGES
Cétait une sale journée pluvieuse. Il pluviait.
Il pluviait sans arrêt.
Impossible de sortir sans scaphandre. Ceux qui pouvaient pas se payer
de scaphandre, comme nous autres, fallait quils restent dedans.
Cétait horrible. Il faisait un noir incroyable. Même
ces grosses lampes faisaient juste un halo et y faisait toujours aussi
noir.
On se sentait tout seul, très seul. Les bruits étaient
étouffés.
On entendait quand même régulièrement dehors le
vroum des scaphandres à moteur, les fumiers.
Dedans les bruits ne se faisaient plus. Les assiettes se cassaient
sans fracas, la radio sétouffait à dix mètres.
On se sentait tout seul, très seul.
Au début je disais "y-a qua attendre". J'ai
attendu. Ça a rien changé. Cétait horrible.
On ne pouvait rien y faire. On pouvait rien faire. Que penser. Que
penser quon attendait.
Penser à la philosophie, repenser ses souvenirs, penser de
faux rêves.
On a pensé beaucoup, sans ordre, sans but, longtemps.
On a rien appris. On a repensé les mêmes choses, encore
et encore, les plus moches, les plus banales.
Et les pensées rétrécissaient. Et elles revenaient,
en rond, tour à tour, à force.
Et ça faisait mal, en raclant sur les bords. Et tout rétrécissait.
Et ça faisait très mal. Cétait horrible
et on ne pouvait rien y faire.
Ha! Faut pas rester enfermé, seul, avec ses pensées,
quand on na pas le moral.
DIMANCHE
Je prenais ma douche ce matin
Et prenais mon temps aussi,
Vu que cétait Dimanche, chose rare.
Ce que je vis dans la glace me plongea
Dans une réflexion profonde.
Mes cheveux mouillés saplatissent,
Ma barbe mouillée se redresse.
Y aurait il différence de nature entre
Ces deux systèmes capillaires?
Est-ce un effet physique méconnu ?
Un poil mouillé court se redresse,
Un poil mouillé long saplatit.
Ou alors: suis-je mal foutu ?
Le soir tombe maintenant
Et ce fut un Dimanche trouble.
Et les méandres de mon cerveau sont bien fatigués
Davoir tant méandré tout ce jour.
Et je suis bien déprimé et inquiet
De rester coi
Devant cet important problème,
Un problème à poil,
Mais épineux:
Suis-je mal foutu ?
CETAIT
UN BON PETIT GARS
Cétait un bon petit gars.
Il était gentil.
Il croyait en dieu.
Quand il avait un problème,
Il fermait les yeux et priait.
Il était gentil.
Il apprenait pas vite.
Il réussissait rien.
Il conduisait sa voiture comme sa vie, mal.
Il croyait en dieu.
Il freinait jamais assez tôt.
Quand il y avait du foin
Il priait.
Il croyait en dieu.
Cest pas dans la bible quil faut être calme,
Sen remettre quà soi.
Il navait pas de père pour lui expliquer
Quon était toujours seul.
Il était gentil.
Il croyait en dieu.
On allait lui parler,
Mais on a pas eu le temps.
Il a été tué sur lautoroute.
C'était un bon petit gars.
Il croyait en dieu.
Il était gentil.
Espérons quil ira au paradis.
AH! SI TOUTES LES FILLES ?
Ah! Si toutes les filles étaient faciles,
Si personne nétait jaloux,
Tout le monde à tout le monde,
Sans histoire,
Ça serait bien plus chaleureux.
Ah! si on pouvait embrasser toutes les étrangères,
Comme ça, dans la rue, comme on demande lheure:
Les jolies, les tristes, les grandes
Sans méchanceté.
Ça serait bien plus gai.
Ça ne ferait de mal à personne.
Et lintimité? Et le couple? Et lamour ?
Ah! Il y a des obstacles partout.
AH! SI JE SAVAIS ?
Ah! Si je savais jouer de la guitare
Comme je serai heureux.
Jaime tant le son chaleureux dune belle guitare
Bien accordée.
Et je pourrais chanter aussi.
Ce qui ne gâcherait rien.
Je chante si bien.
Jaime tant chanter.
Je pourrais chanter mes poèmes à ma petite amie.
Je pourrais jouer avec les copains dans les groupes.
Et je serais pas con.
Et je serais heureux.
Mais voila, jarrive jamais à foutre mes doigts où il faut sur ses maudites cordes.
Adriana
Ma petite Adriana ma écrit dItalie
Et je suis bien heureux.
Vite je prends le dictionnaire et la grammaire.
Cest court et il y a des jolis dessins partout.
Adriana est souriante et pleine de vie,
Entraînante.
Je laime simplement, sincèrement.
Elle me dit quelle aussi.
Et je suis bien heureux.
Et je suis bien chanceux.
Pourvu que ça dure.
© CHRISTIAN FOURNIER