POEMES DE CHRISTIAN FOURNIER

LES POIREAUX RAVAGES

C’était une sale journée pluvieuse. Il pluviait. Il pluviait sans arrêt.
Impossible de sortir sans scaphandre. Ceux qui pouvaient pas se payer de scaphandre, comme nous autres, fallait qu’ils restent dedans.
C’était horrible. Il faisait un noir incroyable. Même ces grosses lampes faisaient juste un halo et y faisait toujours aussi noir.
On se sentait tout seul, très seul. Les bruits étaient étouffés.
On entendait quand même régulièrement dehors le vroum des scaphandres à moteur, les fumiers.
Dedans les bruits ne se faisaient plus. Les assiettes se cassaient sans fracas, la radio s’étouffait à dix mètres.
On se sentait tout seul, très seul.
Au début je disais "y-a qu’a attendre". J'ai attendu. Ça a rien changé. C’était horrible.
On ne pouvait rien y faire. On pouvait rien faire. Que penser. Que penser qu’on attendait.
Penser à la philosophie, repenser ses souvenirs, penser de faux rêves.
On a pensé beaucoup, sans ordre, sans but, longtemps.
On a rien appris. On a repensé les mêmes choses, encore et encore, les plus moches, les plus banales.
Et les pensées rétrécissaient. Et elles revenaient, en rond, tour à tour, à force.
Et ça faisait mal, en raclant sur les bords. Et tout rétrécissait.
Et ça faisait très mal. C’était horrible et on ne pouvait rien y faire.
Ha! Faut pas rester enfermé, seul, avec ses pensées, quand on n’a pas le moral.

 

DIMANCHE

Je prenais ma douche ce matin
Et prenais mon temps aussi,
Vu que c’était Dimanche, chose rare.
Ce que je vis dans la glace me plongea
Dans une réflexion profonde.
Mes cheveux mouillés s’aplatissent,
Ma barbe mouillée se redresse.
Y aurait il différence de nature entre
Ces deux systèmes capillaires?
Est-ce un effet physique méconnu ?
Un poil mouillé court se redresse,
Un poil mouillé long s’aplatit.
Ou alors: suis-je mal foutu ?
Le soir tombe maintenant
Et ce fut un Dimanche trouble.
Et les méandres de mon cerveau sont bien fatigués
D’avoir tant méandré tout ce jour.
Et je suis bien déprimé et inquiet
De rester coi
Devant cet important problème,
Un problème à poil,
Mais épineux:
Suis-je mal foutu ?

 

C’ETAIT UN BON PETIT GARS

C’était un bon petit gars.
Il était gentil.
Il croyait en dieu.
Quand il avait un problème,
Il fermait les yeux et priait.
Il était gentil.
Il apprenait pas vite.
Il réussissait rien.
Il conduisait sa voiture comme sa vie, mal.
Il croyait en dieu.
Il freinait jamais assez tôt.
Quand il y avait du foin
Il priait.
Il croyait en dieu.
C’est pas dans la bible qu’il faut être calme,
S’en remettre qu’à soi.
Il n’avait pas de père pour lui expliquer
Qu’on était toujours seul.
Il était gentil.
Il croyait en dieu.
On allait lui parler,
Mais on a pas eu le temps.
Il a été tué sur l’autoroute.
C'était un bon petit gars.
Il croyait en dieu.
Il était gentil.
Espérons qu’il ira au paradis.

 

AH! SI TOUTES LES FILLES ?

Ah! Si toutes les filles étaient faciles,
Si personne n’était jaloux,
Tout le monde à tout le monde,
Sans histoire,
Ça serait bien plus chaleureux.
Ah! si on pouvait embrasser toutes les étrangères,
Comme ça, dans la rue, comme on demande l’heure:
Les jolies, les tristes, les grandes…
Sans méchanceté.
Ça serait bien plus gai.
Ça ne ferait de mal à personne.
Et l’intimité? Et le couple? Et l’amour ?
Ah! Il y a des obstacles partout.

 

AH! SI JE SAVAIS ?

Ah! Si je savais jouer de la guitare
Comme je serai heureux.
J’aime tant le son chaleureux d’une belle guitare
Bien accordée.
Et je pourrais chanter aussi.
Ce qui ne gâcherait rien.
Je chante si bien.
J’aime tant chanter.
Je pourrais chanter mes poèmes à ma petite amie.
Je pourrais jouer avec les copains dans les groupes.
Et je serais pas con.
Et je serais heureux.
Mais voila, j’arrive jamais à foutre mes doigts où il faut sur ses maudites cordes.

 


Adriana

Ma petite Adriana m’a écrit d’Italie
Et je suis bien heureux.
Vite je prends le dictionnaire et la grammaire.
C’est court et il y a des jolis dessins partout.
Adriana est souriante et pleine de vie,
Entraînante.
Je l’aime simplement, sincèrement.
Elle me dit qu’elle aussi.
Et je suis bien heureux.
Et je suis bien chanceux.
Pourvu que ça dure.

 

© CHRISTIAN FOURNIER


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